Pourquoi je ne suis pas allée visiter la Tour 13

tour 13

©Photo Joel Saget

L’info n’aura échappé à personne : avant d’être réduite en poussière, une tour du 13ème arrondissement de Paris a été entièrement investie par des grands noms du Street Art. Lesquels ont repeint les murs du sol au plafond sans omettre un seul m2. Ce sont ainsi 9 étages et 36 appartements qui sont passés sous les pinceaux et les bombes de 104 artistes. Ah oui, quand même ! Un concept d’autant plus appétissant qu’il s’offrait à la visite du quidam pendant un mois tout pile, créant par là la plus grand galerie éphémère à ciel presque ouvert. Ce mois arrive à échéance ce soir à 20h. J’aurais adoré en être, moi aussi, et jouer les petits reporters pour vos beaux yeux. Pourtant, j’ai assez rapidement botté en touche.

Ça n’est pourtant pas faute d’avoir essayé. Deux fois, je me suis coltiné le trajet tout au bout du 13ème, avant de rebrousser chemin aussi sec : non, je ne pouvais ni ne voulais attendre plus de 9 heures pour pénétrer le sacro saint. 9 heures ! Le concept a bien sûr de quoi motiver les foules dont je fais partie, je le conçois, mais quand même, une journée entière à piétiner dans une file d’attente, est-ce vraiment raisonnable ? Je veux bien être un mouton, mais j’ai mes limites.

Et puis, moi qui m’intéresse au Street Art depuis de nombreuses années, je veux dire, vraiment, et pas uniquement pour faire genre j’ai des goûts tellement hype you know, je me demande si le genre ne commence pas à être trop galvaudé. Bien-sûr que je suis une affreuse snob, mais quand même : expositions, happenings, cocktails et vernissages… Les artistes qui se réclament de cet art de rue investissent de plus en plus les galeries et autres musées. Bien sûr, on peut s’en réjouir et penser que cette mutation est positive pour la notoriété des artistes et la reconnaissance de leur discipline, pourtant… Pardon my naïveté, mais le Street Art n’est-il pas, par définition, un art qui prend corps dans la rue, qui taquine les institutions, dénonce certaines lois, certains courants de pensée, certains faits de société jugés trop coercitifs ? Sans aller jusqu’à prôner l’anarchie, de nombreux artistes se réclamant de la mouvance du Street Art, Banksy en tête !, jettent à qui mieux-mieux des pavés dans la mare pour dénoncer les contraintes imposées par un gouvernement, par une religion et j’en passe. Alors je me demande : la popularisation galopante du Street Art sert-elle vraiment le genre ?

Vous avez 4 heures. La calculatrice n’est pas autorisée.

Commentaires

Complètement d’accord avec toi ! Je ne savais pas qu’il y avait une queue de 9h cela dit… (9h punaise !).

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Alors je fais partie des gens qui ont attendu 7h MAIS qui ont visité cette expo qui, en toute honnêteté, était géniale. Amatrice du street art depuis bien longtemps, j’ai au début halluciné sur cette file d’attente : comment peut-on perdre une journée de sa vie à attendre ? D’autant qu’à Paris, d’une manière générale, nous passons notre temps à attendre, la moindre expo rameutant la terre entière (au moins), qui se déplace la plupart du temps uniquement pour dire « je l’ai fait », mais qui en réalité se fiche un peu des artistes et des projets en profondeur. Là c’était pareil. Et oui en 7h on a le temps d’observer les gens et aussi d’écouter les conversations… et beaucoup d’ado venaient en bande parce que c’était « cool de visiter une tour désaffectée toute graffée »… Bon ils n’allaient pas non plus trier les visiteurs sur le volet en fonction de leur niveau de connaissance du sujet…
Franchement je ne regrette pas d’avoir attendu parce que la diversité des artistes et des styles était au top, et que nous n’étions pas face à un mur, mais à 4 : murs, sol, plafond, tout était exploité. On entrait donc vraiment dans l’univers de chacun des artistes. Cette sensation était assez forte, puissante même. Après, on est en effet loin du côté « street » qui consiste à découvrir des œuvres au hasard d’une rue, dans un univers urbain, qui vie, qui évolue, etc. Mais ça valait le coup d’œil !

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9h00 de queue ? OMG… Il y avait beaucoup moins lorsque je suis allée voir l’expo « Désir et volupté » au musée Jacquemard-André.
Quand le Street Art investit galeries, musées, peut-on vraiment parler de popularisation ou de « récupération » ?

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Neuf heures… On croit rêver. Moi aussi, j’aurais aimé voir cette tour mais je suis (un peu) trop impatiente pour poireauter. Idem pour les grandes expos du Grand Palais et cie. Je me demande toujours qui, dans la file, a sincèrement le désir de voir l’expo pour laquelle il piétine…

Quant à la diffusion maîtrisée du Street Art, elle était sans doute inévitable dès lors qu’il a trouvé des amateurs nombreux/fervents/issus d’horizons divers. Clients potentiels, business à la clé, grand Capital, tout ça tout ça… Mais c’est dommage. Etant de nature optimiste, je me demande donc quelle sera la prochaine forme d’Art efficace et transgressive !

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Personnellement, je n’aurais pas attendu non plus pendant des heures… Il n’y a plus qu’à espérer que, comme d’autres modes, l’effet « street art » passe…

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Effectivement mieux vaut regarder les reportages a la télé

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J’ai fait la queue, mais seulement 3h30 car c’était au début et que j’étais arrivée à 10h30. Et franchement ça vaut le coup, c’était incroyable ! Et je pense que c’est vraiment pas comparable à une galerie car ici, l’expo était gratuite et les oeuvres n’étaient pas du tout exposées sous forme de tableau !

Et si vous aimez le Street Art, regardez « Faites le mur » de Banksy, il est vraiment bien et parle justement un peu du fait que le Street Art est maintenant un peu trop commercialisé !

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Je plussoie!!! non mais allo quoi, 9h d’attente, ce n’est plus l’essence même du streetArt, autant aller poireauter chez Mickey

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Completement d accord avec toi, c’est HS avec l’essence même du street art.

J’avais espéré y aller et même en faire un sujet pour mon blog, non mais sérieusement 9h ! J’aurais préféré que ce bâtiment soit laissé à la libre inspiration des artistes et qu’il devienne une sorte de lieu d’inspiration éphémère ET perpétuel (tu vois ce que je veux dire ?)… en fait qu’il ne soit pas détruit mais que les oeuvres changent régulièrement !
Tant pis pour moi, un livre en sortira surement 😉

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J’ai entendu parler de cette attente interminable. Comme quoi le Parisien sait avoir de la patience parfois. Plus que moi en tous cas!

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Je suis assez d’accord. Même si d’un côté, je trouve ça cool que le street art « se démocratise ». Ce qui m’a surtout agacée, c’est que des blogueuses « pas fan de street art » (je cite) soient invitées pendant que des vrais fans poireautaient dehors (à ce propos, tu n’as pas essayé de faire jouer la carte « presse » ?)

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Même pas une heure de queue le deuxième jour de l’ouverture. Une belle expérience mais pour rien au monde tu ne m’aurais fait poireauter 9h ! J’ai eu du bol… Je me rappelle m’être dit dans la tour que ça allait être bien compliqué pour les gens de voir tout ça par la suite du fait de la bobomédiatisation 😀

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Et tu avais vu juste !

Pareil les temps d’attente aberrants m’ont dissuadée, je n’y suis même pas allée. On a toujours les articles sur les blogs et les magasines !

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N’impornawak. les « gens » se précipitent comme des moutons dés que la bonne parole et le bon goût médiatique les sifflent. Le street art, c’est dans la rue, c’est interdit et c’est éphémère. Sa galérisation et son embourgeoisement le tuent à petit feu et le décrédibilisent, en dehors de rares exceptions (Keith Haring, Baquiat, André,Kaws ..). Mieux vaut se balader,flaner au gré de surprenantes découvertes au détour d’une ruelle parisienne ou suivre un parcours qui fait sens, par exemple partir à la recherce des mosaiques d’Invaders muni de la « Map » qu’il a édité.

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Il n’y aurait sans doute pas eu autant de queue si l’expo avait eu un droit d’entrée payant! la culture pour tous, c’est plutôt une démarche « street art » ! pour ce qui est de la « récupération » je trouve le terme inapproprié. Je dirai qu’ils évoluent, ils constatent leur succès et essaient d’en profiter. Peut-on les blâmer? je ne pense pas. Finalement, la démarche est la même que pour les bloggers.
Difficile de trouver aujourd’hui un blog totalement indépendant n’acceptant aucune monétisation ou sponsoring. Chercher à vivre de son travail,c’est normal,et les artistes n’échappent pas à la règle.
Alors oui bien sûr, le ton a changé, la critique n’est plus vraiment au rendez-vous. C’est un fait.
C’était la minute de défense des artistes ! 😉

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Ah c’est marrant, je ne vois pas du tout ça comme ça. Et je ne partage pas du tout ton analogie revenus blogs / revenus artistes.

Un blog, ça n’est pas de l’art. En général. En revanche, si je trouve ça parfaitement normal de vouloir vivre de son travail, justement, pour moi, le street art faisait exception, dans le sens où encore une fois, son but est, à mon avis (mais je peux me planter !) de dénoncer en priorité, et pour ce faire, de s’affranchir des circuits traditionnels de l’art : galeries, musées, expos… les artistes qui taguent expriment leurs sentiments sur des pans de murs pour interpeler, choquer, faire réfléchir. Pas pour gagner des ronds.

Mais tu as raison, cela représente du travail. La question serait alors comment pouvoir tirer un revenu de cet art sans le galvauder ?

J’avais tenté de visiter la tour un dimanche après-midi avec mon copain, mais trois heures d’attente et un orage auront ont eu raison de nous. Mais pour vous dire, mon copain a pris exprès sa journée et s’est levé à 4h30 du mat pour pouvoir la visiter aujourd’hui. On est motivé ou on ne l’est pas 🙂 Il a finalement réussi à la visiter, mais à quel prix…

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Bonjour,
A titre d’info, ça m’intéresse de savoir – pour me rendre compte- combien de temps il a attendu de bon matin ?
Merci 😉

J’ai fait la queue et ai abonné… Il me restait 7 ou 8h mi-octobre, après 30 minutes d’attente, à l’ouverture…
En fait, je me dis que même d’un point de vue « santé », on ne peut pas tous le faire…
Je regrette vraiment qu’ils n’aient pas décidé de prolonger quelques mois… Ca a trop un côté « soit tu l’as vu et tu en es, soit tu ne l’as pas vu, tu n’as pas attendu 9h et tu n’étais pas motivé ».
Grosse déception…

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J’ai eu la même réaction que toi, et je ne sais toujours pas trop quoi penser de cette médiatisation du street art, devenu LE truc hype du moment alors qu’il est censé être, à la base, un cri de révolte à l’encontre de certains aspects de la société. Tu parles de Banksy et je suis tout à fait d’accord avec toi, mais lui comme beaucoup d’autres, vit de son art (et très largement). Ce n’est pas une critique à son encontre (je l’admire toujours autant), tout artiste, quel qu’il soit, a parfaitement le droit de vivre de son art et tant mieux quelque part.
Comment ne pas galvauder le street art tout en gagnant sa vie? je crois qu’il faut peut-être ne pas céder aux envies de célébrité et rester humble comme Stik par exemple.

J’ai les mêmes sentiments ambigus pour le street art que pour les petits groupes indé que j’ai pu suivre par le passé: à la base, ils étaient peu connus, « underground » mais bourrés de talent et tout ce dont on a envie, ce qu’ils puissent être reconnus. Et une fois qu’ils sont sous les feux de la rampe, il y a ce petit arrière-goût amer, en les voyant devenir « mainstream ». Mais je commence à dériver 🙂

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les mêmes raisons que toi, mais c’est aussi ça Paris, le monde la foule, l’attente et la pluie 🙂 tant pis pour cette fois ci

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Eh oui, je n’y suis pas allée non plus pour les mêmes raisons que toi… Et ta réflexion est très pertinente. Je suis depuis très longtemps une grande fan de street art qui adore partir à sa recherche dans les coins et recoins des villes. J’ai une belle collection de photos d’ailleurs ! Et comme tu dis, je sens un changement. ça devient « hype » et on se demande en effet si ce n’est pas contradictoire avec l’esprit même du street art…

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Bien dit))J’ai diné avec une amie et ensuite elle est partie voir ça la nuit juste la veille de la démolition. Elle m’a proposé de l’accompagné, mais j’ai décliné. Elle a attendu plus de 4 heures (en pleine nuit of course. C’est pas poss’, on est d’accord.

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Après avoir hésité une demi-seconde, je me suis dit : « et pourquoi pas ? Je n’ai qu’une vie, je pourrai attendre des journées entières pour pouvoir rentrer ».
J’ai donc pris un jour de congé, chercher un lieu ou dormir, fait 3h30 de train, dormi 3h, et le 31 octobre à 5h45 j’étais au pied du dit-monument. Gants, bonnet, anorak informe, tabouret, lectures, déjeuner etc. PRETE ! Finalement j’ai attendu seulement 2h30 pour rentrer, il y avait une nocturne et on n’avait pas besoin d’attendre midi ou 10h pour rentrer !
Bref inutile de dire que je ne regrette rien ! C’était très loin de l’ambiance galerie, même si chaque artiste avait une pièce à graffer, aucune pièce ne se ressemblait et c’était presque comme se balader dans un bâtiment désaffecté.
Mais j’avoue comme vous toutes.. ce n’est pas pareil que lorsqu’on part à la « chasse » aux grafs dans les villes.. ca n’est pas la même sensation ! Et les photos n’ont pas la même valeur !

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Merci de ton retour !

Comment font les gens qui attendent des heures (pour une expo ou un concert de Mylène Farmer) quand ils veulent faire pipi?

Ce discours ça fait quand même un peu hipster… « Le street art c’était mieux avant, quand le mouvement était encore méconnu et pas reconnu par la masse populaire ! Maintenant c’est devenu trop mainstream, trop commercial… ».
Je trouve quand même dur de cracher et de vouloir délaisser un mouvement artistique (et des artistes) parce que plus en plus de gens le/les découvrent et s’y intéressent. Je trouve plutôt enrichissant que ce qui, au départ, n’est destiné qu’à une catégorie de personnes ou à une élite intellectuelle finisse par s’ouvrir à tous et permette à quiconque de se nourrir culturellement… De toute manière, à notre époque et avec nos technologies de partage, tout est voué à se propager et à se populariser !
Et puis il faut arrêter d’imaginer que les artistes, les « vrais », sont des êtres excentriques et déconnectés de la réalité ne vivant que pour l’amour de l' »Art »… Ne connaissant que la misère de leur vivant et la reconnaissance qu’après leur mort ! Bien sûr que les artistes, même street artistes, espèrent être vus, entendus et reconnus.

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Non, relis mon billet : ce que je dis, c’est qu’à mon humble avis, le street art n’a pas vocation à s’exposer ailleurs que sur les murs. C’est un art subversif par définition, peut être même par essence. Totalement inadapté au marché dit classique de l’art.

Pour autant, c’est évidemment intéressant que le genre se déploie et séduise chaque jour de nouveaux adeptes. Tant qu’on sait de quoi on parle et qu’on va à la Tour 13 pour voir et non pas être vu …

Bonjour,
Je ne suis pas d’accord, le street art n’était pas destiné à une élite à ses début, il est né dans la rue, pour le peuple…et est récupéré par les élites. (Vous voulez du street art gratos, allez en banlieue, ça existe depuis toujours…..)

Ma Morue d’amour, la prochaine que j’ai une invit’ street-art je t’emmène avec moi. Parce que quand bien même le street-art est un art de rue par définition (et je suis assez d’accord avec cette partie de ton billet), la Tour 13 était vraiment spéciale.

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