17 mars 2020. Confinement, jour 1.

Vendredi 14 mars. Je fais un aller-retour au bureau aujourd’hui. Je les limite au maximum, je sais depuis une semaine que je suis enceinte. ENCEINTE. J’ai du mal à y croire… Je tourne et retourne l’information dans tous les sens. Elle est aussi délicieuse qu’incroyable, impossible à acter… Enceinte, après plus de 10 ans d’attente. Je n’arrive pas à le réaliser ! J’essaye de lever le pied, de me préserver un peu. Je sais bien que vivre dans du coton n’augmentera pas mes chances, c’est peut être même l’inverse mais c’est plus fort que moi : depuis que nous avons eu recours à cette nouvelle FIV le 20 février dernier, je suis quasiment restée à la maison tous les jours. Confinée, ou presque.

Ce jour là, comme à chaque fois que je vais place Franz Liszt, je retrouve avec joie mon joli bureau et mes colocs de bureau. Je dois boucler un article, organiser deux séances photos. Des missions qui me plaisent, une bonne journée en somme. Je m’octroie une pause au milieu de la matinée. C. et O. sont là, on parle encore de ce virus chinois qui a fait que N., qui travaille avec elles, a été placée en quarantaine 14j à son retour de Chine, en janvier. Depuis quelques jours, on ne parle plus que de cette mystérieuse maladie qui a finalement traversé les frontières. La rumeur enfle, ce serait quelque chose de grave, on l’attraperait en croisant les gens. Je ne sais pas trop quoi en penser même si je commence à flipper. Je le savais, j’aurais du rester chez moi aujourd’hui !

Pour le dej, je suis malgré tout trop heureuse de pouvoir rejoindre mon amie Audrey. On se connait depuis quoi, 10 ans, 15 ans maintenant ? Audrey, c’est mon petit rayon de soleil : toujours positive, le sourire contagieux, l’étreinte rassérénante. Avec nos vies à la con, on se croise si peu… On va pouvoir rattraper un peu le temps perdu le temps d’un dej ! J’ai réservé dans un des nombreux petits restos qui pullulent dans le 10e, genre bistronomie parfaitement maîtrisée et pas hors de prix. En arrivant, je réalise que la salle est petite et que les tables sont toutes collées/serrées. Je flippe… Est-ce qu’on risque quelque chose ? Et puis merde, on le saurait, non ?! Je suis avec ma pote, je profite ! Comme prévu, l’heure file si vite qu’il n’est pas loin de 15h quand je la quitte. Je suis finalement à la bourre pour les missions du jour. Heureusement pour moi, j’ai eu la présence d’esprit d’embarquer mon appareil photo et les produits que je dois shooter avant de quitter le boulot : je décide de rentrer à la maison pour terminer de bosser, j’aimerais autant que faire se peut éviter l’heure de pointe dans le métro.

La suite me laisse un souvenir on ne peut plus nébuleux. Quand avons nous appris que nous allions être confinés ? Le vendredi soir ? Le lundi pour un prise d’effet le mardi ? Qu’est-ce que j’ai fait ce week-end là ? Pas les courses, ça, c’est sûr, je n’aurais pas été contre acheter quelques rouleaux de PQ je crois mais mon mec, plus posé et cartésien que moi, m’en a empêchée. Ça je m’en souviens. Je me souviens aussi avoir écrit coup sur coup deux articles. Comme pour tenter désespérément de garder une emprise quelconque sur ce qui était en train de devenir totalement hors de notre contrôle et tout bonnement sidérant.

Et le mardi est arrivé. Mardi 17 mars 2020. Confinement jour 1. Si on nous avait dit qu’on y serait encore un an plus tard…

Je crois que j’avais envie de consigner ça quelque part. A l’instar de quelques autres dates, le 17 mars 2020 fait désormais partie des dates qui seront enseignées dans les cours d’histoire. Une de ces dates dont on pourra dire, des années plus tard, « je me souviens parfaitement de ce que je faisais ce jour là ».

Commentaires

C’est marrant, le vendredi 13 (tiens, encore un…) avec mes collègues on voulait aller prendre un verre et on s’est rétractés parce que comme toi quand tu es allée voir ton amie, on s’est dit que le lieu serait trop étroit… Nous on avait déjà l’épée de Damoclès au dessus de la tête parce qu’on est enseignants et qu’on savait qu’on n’accueillerait pas nos élèves le lundi suivant. J’avais complètement occulté cet événement de mon esprit et ton article me l’a rappelé, bizarre le cerveau humain parfois. Bref, je me suis retrouvée dans chacun de tes mots ici, ça fait du bien de savoir que d’autres ont ressenti le même tourbillon de bizarreries !

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Et certains bébés qui ont fêté leur 1er anniversaire ce fameux 17 Mars 2020, ceux pour qui on avait prévu une jolie fête de 1ere année gâchée et 1 an plus tard tjs remisée….

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Quel flashback tu nous fais là. Une journée dont on a tous notre propre souvenir. Une journée déjà si loin et pourtant si proche tant on a l’impression d’y être retourné depuis cette semaine. Même si le mot confinement est devenu tabou.
Personnellement, j’ai bien peur que ce jour que tu décris ne soit un point de non retour. Un point de non retour à la vie d’avant. Ce virus qui mute beaucoup pourrait nous poser des problèmes bien plus longtemps qu’on ne l’espère tous.
Quand pourrons-nous redevenir insouciant ? Quand pourrons-nous oublier tout ce mauvais passage ? Sans jouer les oiseaux de mauvais augure, je pense que ce n’est pas pour demain… Une chose est sûre, si fin il y a, le jour d’après nous sortirons tous pleinement conscient de la richesse et du bonheur de se retrouver ensemble tout simplement. Chose qui nous dépassait jusque là.

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