Crépuscule Ville, de Lolita Pille

La fable visionnaire est, je crois, mon genre littéraire préféré. J’ai dévoré, ça n’est rien de le dire un bon paquet de livre se réclamant du genre : 1984 de George Orwell, Le Meilleur des Mondes d’Aldous Huxley, évidemment, Globalia de Jean-Christophe Rufin, La Nuit des Temps, de Barjavel, et j’en passe. Et je ne parle pas des films ! (Matrix, évidemment, Brazil, Bienvenue à Gattaca, etc. etc.)

Aussi, lorsque j’ai vu que Lolita Pille se lançait dans ce genre alors même que j’avais plutôt apprécié ses deux premiers opus, j’ai bondi, tel le loup affamé !

Et ?…. je regrette. Un peu.

D’abord, je suis déçue que les derniers auteurs (Jean-Christophe Rufin notamment) qui s’adonnent à la fable visionnaire livrent tous quasiment le même point de vue, à peu de choses près : dans le futur, c’est moche. Dans le futur, l’état est souvent totalitaire, sous couvert d’un Bonheur enfin accessible à tout un chacun. Dans le futur, la planète n’est pas au top (tiens, je me demande où ils vont chercher ça).

Lolita Pille ne déroge pas à la règle, qui prend comme cadre de son roman une hyperdémocratie intrusive à souhait : tous les citoyens sont tracés, et livrent chaque jour et à heure fixe leurs états d’âmes. Et ce, uniquement dans le but d’anticiper leurs désirs et de répondre à leurs attentes avant même qu’ils en aient pris conscience.

Bon. Rien d’extraordinaire mais soit.

Ensuite, Anne-So m’avait prévenu, mais le livre est redoutablement confus. A croire que la miss l’a rédigé sous acide ou autre substance qu’elle décrit comme étant licite dans son hyperdémocratie. Si les premières pages sont haletantes, on perd vite le fil de l’histoire : le cœur de l’intrigue du livre, le suicide des obèses, ne sera d’ailleurs jamais résolu.

Restent quelques bonnes idées (le culte de la beauté, le S.P.S, Service de protection contre soi-même, le mariage en CDD de 3 ans) qui ne suffisent hélas pas à donner assez de souffle à l’intrigue qui pâtit décidemment trop d’un manque terrible de fil rouge.

Déçue, déçue, déçue…

Ce que dit la 4ème de couv’ : « La solitude de Colin Parler. Souvent Colin Parker composait de sa propre initiative la touche C pour confessionnal et pendant des heures, il répétait qu’il était seul. Et son assistant lui répondant : « Cher abonné, vous n’êtes pas seul puisque nous sommes là pour vous écouter… » Finalement, quand Colin Parker se donna la mort, le soir du grand black-out, il commençait tout juste à aller mieux. »

Bienvenue à Clair-Monde ! Ici, quelque part dans un futur proche, sous une épaisse couche de nuages et de brumes, vivent les citoyens d’une cité idéale où l’on vous interdit pour votre bien tout ce qui pourrait vous faire du mal : des implants bancaires sous l’épiderme contrôlent vos dépenses, une brigade d’intervention contre le suicide surveille vos accès dépressifs, les êtres qui vous plaisent sexuellement apparaissent sur un écran-traceur à portée de main, les drogues sont en vente libre, on a le droit au lifting et à la quasi-éternité.

Si vous ne voulez pas être heureux, alors vous avez le choix : vivre aux confins de la cité, morts bancaires, junkies, obèses, détraqués. « Avec Clair-Monde le bonheur n’est plus une utopie ». Sauf qu’il y Syd Paradine… Un flic brillant, cabochard, en instance de divorce, et qui refuse de se plier aux législations du bonheur obligé, aux oukases du S.P.S (service de protection contre soi-même).

C’est en enquêtant sur un suicide collectif d’obèses (double aberration !) qu’il comprend les mensonges et les trahisons de Clair-Monde. De la guerre narcotique aux couloirs des laboratoires, de la tyrannie cosmétique à la pédophilie érigée au rang des beaux-arts, de l’utopie démocratique aux opiacés, Syd flanqué d’une étrangement belle créature du nom de Blue vont mettre un sacré désordre. Résoudre le mystère. Sauver leur peau sur fond d’apocalypse. Entre la satire d’une société utopique reposant sur l’axe d’un bonheur obligé et le polar chandlerien, entre l’emprunt au cinéma et à la littérature de genre, Lolita Pille change ici du tout au tout. Crépuscule Ville est un roman ambitieux, ample, qui se joue des conventions, et nous montre le destin d’êtres du futur qui nous ressemblent terriblement.

Commentaires

Comme beaucoup de personne, j’ai beaucoup aimé les deux premiers romans de L.Pille, j’attendais le troisième avec impatience mais inquiétude. Quand enfin ce dernier est arrivé, je n’ai pas du tout été prise dans le sujet, je n’aime pas ce genre d’histoire donc pour 20euros j’ai préféré m’abstenir. Ce que je trouve pas mal c’est qu’elle s’est dirigée (ou du moins a essayé) vers un autre style car un troisième roman du même genre de Hell et Bubble Gum aurait été vraiment trop lassant.

Répondre

bon faut que je lise l’un de ses romans, depuis le temps que tout le monde m’en parle!

Répondre

C’est curieux car j’ai énormément apprécié la lecture des deux premiers romans de la jeune femme (allez, disons-le, j’étais fan ^^) mais rien qu’en lisant le résumé du troisième, je ne suis que très moyennement inspirée…
J’ai comme une impression de déjà-vue mais en moins bien.
Bon, je finirai tout de même par le lire hein, car comment me faire mon propre avis sinon?
Mais il n’est pas en tête de mes lectures à prévoir pour cet été et ton billet confirme cela.

Répondre

Bizarrement, le quatrième de couverture est plutôt tentant !

C’est exactement le type de bouquins que j’aime : projeté dans un monde où l’on doit tout découvrir, oublier tous ses a-priori, un monde noir et manipulateur…

Dans le même genre, connais tu la BD d’Alan Moore : V pour Vendetta ?

Répondre

Oui, clairement : j’ai vu et lu V pour Vendetta. Sublimissime.

Je l’ai commencé ce week-end, ayant terminé la trilogie Millénium, et c’est vrai que j’accroche moins que pour les deux précédents que la miss avait écrit…
J’aime bien on va dire, mais pour l’instant ça s’arrête là… on verra bien par la suite, là je n’en suis qu’au début!
Bonne journée!

Répondre

Comme Didou, la 4è de couv’ semble plutôt alléchante pourtant… Mais là, avec ce que tu en dis, ça casse mon élan.

Répondre

Ah ! Je savais pas qu’elle avait ressorti un bouquin !
Ca se lira bien sur un transat non !?

Répondre

Je confirme : lecture 100% compatible avec le cocktail transat + soleil + pieds dans l’eau 🙂

Je pense que ce bouquin convient parfaitement à la lecture distraite sur la plage, entre deux couches de crème solaire… non ?

Répondre

N’étant pas fana au départ de ce style ..je vais donc éviter !
Merci et bonne journée.

Répondre

Je t’en prie ! Bonne journée Isa.

Deedee j’aime beaucoup ton étude.

"Lolita Pille ne déroge pas à la règle, qui prend comme cadre de son roman une hyperdémocratie intrusive à souhait : tous les citoyens sont tracés, et livrent chaque jour et à heure fixe leurs états d’âmes. Et ce, uniquement dans le but d’anticiper leurs désirs et de répondre à leurs attentes avant même qu’ils en aient pris conscience."

C’est du total 2.0 si je comprends bien …

Répondre

Pas sûre qu’on en soit encore là concernant le Web 2.0 Fanny…

c’est étonnant ça, les deux premiers bouquins de L. Pille je les ai trouvé assez stéréotipés, ressortant de vieux cliché…
De plus l’écriture n’est pas si légère nan?

Répondre

Qui a parlé de légèreté .ViC. ?

Pour moi elle fait partie de ces écrivains qui ne se renouvelent pas, qui n’innovent pas.
Bref c’est toujours la même chose.
Ca ne m’attire vraiment pas

Répondre

Eh bien justement, en l’occurrence, elle a plutôt innové puisqu’elle a totalement changé de genre 🙂

merci de l’info!
j’avais adoré la nuit des temps de Barjavel. Ce livre m’a marqué je m’en souviens encore alors que j’ai du le lire il y a 12 ou 13 ans !
comme le temps passe !

Répondre

j’avoue que moi aussi j’ai eu du mal à le terminer, parce que c’est un peu confut. D’habitude quand j’ai un nouveau livre je lis d’une traite, mais là j’ai du le reposer plusieurs fois, pour être sûre de bien suivre l’histoire…
Sinon, à part ces moments où l’histoire s’égare un peu, je l’ai trouvé plutôt pas mal écrit, son style d’écriture a changé, elle a vieilli et ça se sent, elle a moins tendance à en rajouter dans l’écriture pour livrer son message, ici c’est l’histoire qui le fait.
Donc voila, j’ai plutot bien aimé, mais je vais le relire pour me faire une idée plus precise…

Répondre

Pas faux pour l’écriture ! je rejoins ton analyse. Sois la bienvenue ici Pilz 😉

Tu rejoins donc les autres critiques que j’avais pu entendre du bouquin.
Dommage, pour une fois que quelqu’un qui a un minimum d’aura dans le milieu littéraire français se risque à l’anticipation…

Répondre

Si tu aimes les fables visionnaires, je te conseille "Sur la route" de Cormac McCarthy (Ed. de l’Olivier) qui a reçu cette année le prix Pulitzer.

Répondre

C’est pas pour faire ma pub (mais un peu quand même !!), mais j’ai interviewé la miss Lolita Pille à l’occasion de la sortie de son roman.

Si ça vous dit, c’est ici :
http://www.elleadore.com/on-ador...

Répondre

Eh dis donc, il faut que je vienne mettre des liens Cosmo sur ton blog aussi ? :))

ça vous étonne vous ? cette pseudo auteure bourgeoise parisienne d’une futilité, d’une arrogance et d’un j’me la pète grave avec ces 2 romans d’une nullité absolue qui tente un copié collé de Beigbeder c’est pathétique je ne veux même pas avoir ce roman 5 min entre les mains…Du Sophie Kinsella c’est de la grande littérature à côté…m’enfin les goûts et les couleurs…

Répondre

Perso, tant que je n’ai pas écrit de roman, j’évite de dire que ceux des autres sont d’une nullité absolue 😉

Sinon, pour participer à des choses qui en valent vraiment la peine, je n’ai pour ma part pas aimé Hell, et donc, pas lu Bubble Gum.

Cela étant, je trouve ça plutôt bien, en revanche, qu’un auteur se remette en cause, ce qui est forcément le cas quand on amorce un changement de style.

Je vais peut être le lire, tiens.

Répondre

J’avoue, ça fait louche.

Ceci dit, moi ça ne me pose aucun problème que tu viennes mettre un lien cosmo sur mon blog !:-p

Et puis, c’est plus personnel que pro. c’était ma première interview, et j’en suis contente.

Voilou !

(mais si tu as un quelconque souci avec ce lien, n’hésite surtout pas à l’enlever, je ne serai pas vexée !)

Répondre

J’ai recu mes mini cards !!!!! merciiiiiiiiii c’est génial j’adore le concept.

merci bcq deedee 🙂

Répondre

Merci de ton retour ! Contente qu’elles te plaisent 🙂

Un livre pour ado que j’ai lu dernierement, un peu dans le genre visionnaire c’est la Déclaration de Gemma Malley… et bien franchement à presque 30 ans j’ai beaucoup aimé !
Peut être à rajouter dans ta liste très très longue de livre à lire? 😉
Bonne soirée !

Répondre

Avec plaisir ! Merci pour la piste Caro 🙂

Bah … si tu conjugues Twitter + le côté "hyperdémocratie" et tout … on va dire 3.0… mais on en est vraiment pas loin …

Répondre

Hello,
Je n’ai même pas fini ce livre alors que j’avais apprécié Hell et "Bubble Gum" ;on dirait une rédaction de troisième: "Imaginez un monde etc…".
Tout le monde n’est pas Bret Easton Ellis.
Est ce que je peux vous conseiller des excellences pour ce mois chaud? Yep .Alors voilà:
-" Malavita encore" de Tonino Benacquista c/o Gallimard
-" Retour à Reykjavik" de Kristof Magnusson c/o Gaïa
– " La sequestrée " de Charlotte Perkins Gilman c/o phébus
– " La maison du calife" de Tahir Shah c/o de Fallois
– " Le chaevalier de La Barre " de Michel Zevaco réedité chez phébus libretto
-"La mariée mise à nu" Nikki Gemmell en poche
Et en plus fastoche pour la plage:
-Les petits bouquins de Sophie Fontanel (pouvez pas les rater , sont rose pétard)
-"Junket " de Juliette Michaudc/o Sonatine
– "Maurice le siffleur " de Laurent Chalumeau c/o grasset
-" Dope " de Sara Gran c/o Sonatine

Have a good time .

Répondre

mais elle va me hanter toute ma vie cette Lolita Pille qui était une vraie garce au lycée!! désolée pour l’aparthé 🙂

Répondre

22h : je me replonge dans Crepuscule ville que j’ai arrété a la page 120.

22h30 : j’en peux plus ! un mois que j’y suis dessus! En un mois avec les cours en plus j’ai lu les freres Karamazov !!!

Alors que faire? Je pense en rester la mais j’ai jamais laissé un livre page 169 quand il y a 400 pages alors je demande un conseil…

Deja je suis d’accord avec toi. Deja le livre est flou et cest dure d’y plonger dedans ! Ensuite le coup de l’hyperdemocratie on a assez donné ! En plus vu l’actualité on peut quand meme penser que l’Etat omnipotent s’eloigne au profit d’un etat ultra liberal alors changeons de disque !
Alors honneur à LP de changer son style de jeunesse doree mais paris perdu selon moi … J’avance pas je me lasse il me saoule ce bouquin(j’emploi les mots justes)

Alors je continue ouj’arete et je remet au 8e prophete de Giesberg et a Gomorra ?

Répondre

Quelle complexe romancière que demeure Lolita Pille! Je n’ai pas encore lu son dernier roman
"Crépuscule Ville"
Au premier abord, je constate des avis allant de l’éloge au blâme.
Pour ma part,le seul livre que j’eus approché et terminé de cette auteure, il s’intitulait "Hell"
Bien sûr, je m’avoue quelque peu intéresser par la description concise de ses portraits satiriques, aux moeurs corrompus par le vice financier dans lequel la jeunesse dorée en est le centre fataliste.
Pourtant,lorsque je vis le résumé de "Crépuscule Ville" que Lolita Pille a porté dans l’émission "dans quelle étagère" je sentais qu’elle voulait expliquer tant de choses diverses qu’elle s’écartait un peu d’une compréhension immédiate. Certaines de ses idées étaient floues.

Répondre

Répondre à Pilz Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *